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qui peu de monde va ; la visite, l’invitation, une simple parole aimable de personnes un peu marquantes étaient pour eux un événement auquel ils souhaitaient de donner de la publicité. Si la mauvaise chance voulait que les Verdurin fussent à Londres quand Odette avait eu un dîner un peu brillant, on s’arrangeait pour que par quelque ami commun la nouvelle leur en fût câblée outre-Manche. Il n’est pas jusqu’aux lettres, aux télégrammes flatteurs reçus par Odette, que les Swann ne fussent incapables de garder pour eux. On en parlait aux amis, on les faisait passer de mains en mains. Le salon des Swann ressemblait ainsi à ces hôtels de villes d’eaux où on affiche les dépêches.

Du reste, les personnes qui n’avaient pas seulement connu l’ancien Swann en dehors du monde, comme j’avais fait, mais dans le monde, dans ce milieu Guermantes, où, en exceptant les Altesses et les Duchesses, on était d’une exigence infinie pour l’esprit et le charme, où on prononçait l’exclusive pour des hommes éminents qu’on trouvait ennuyeux ou vulgaires, ces personnes-là auraient pu s’étonner en constatant que l’ancien Swann avait cessé d’être non seulement discret quand il parlait de ses relations mais difficile quand il s’agissait de les choisir. Comment Mme Bontemps, si commune, si méchante, ne l’exaspérait-elle pas ? Comment pouvait-il la déclarer agréable ? Le souvenir du milieu Guermantes aurait dû l’en empêcher, semblait-il ; en réalité, il l’y aidait. Il y avait certes chez les Guermantes, à l’encontre des trois quarts des milieux mondains, du goût, un goût raffiné même, mais aussi du snobisme, d’où possibilité d’une interruption momentanée dans l’exercice du goût. S’il s’agissait de quelqu’un qui n’était pas indispensable à cette coterie, d’un ministre des Affaires étrangères, républicain un peu solennel, d’un académicien bavard, le goût s’exerçait à fond contre lui, Swann plaignait Mme de Guermantes d’avoir dîné à côté de pareils