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terre productive non seulement de châtaigniers et de tamaris, mais d’amitiés qui tout le long du parcours formaient une longue chaîne, interrompue comme celle des collines bleuâtres, cachées parfois dans l’anfractuosité du roc ou derrière les tilleuls de l’avenue, mais déléguant à chaque relais un aimable gentilhomme qui venait, d’une poignée de main cordiale, interrompre ma route, m’empêcher d’en sentir la longueur, m’offrir au besoin de la continuer avec moi. Un autre serait à la gare suivante, si bien que le sifflet du petit tram ne nous faisait quitter un ami que pour nous permettre d’en retrouver d’autres. Entre les châteaux les moins rapprochés et le chemin de fer qui les côtoyait presque au pas d’une personne qui marche vite, la distance était si faible qu’au moment où, sur le quai, devant la salle d’attente, nous interpellaient leurs propriétaires, nous aurions presque pu croire qu’ils le faisaient du seuil de leur porte, de la fenêtre de leur chambre, comme si la petite voie départementale n’avait été qu’une rue de province et la gentilhommière isolée qu’un hôtel citadin ; et même aux rares stations où je n’entendais le « bonsoir » de personne, le silence avait une plénitude nourricière et calmante, parce que je le savais formé du sommeil d’amis couchés tôt dans le manoir proche, où mon arrivée eût été saluée avec joie si j’avais eu à les réveiller pour leur demander quelque service d’hospitalité. Outre que l’habitude remplit tellement notre temps qu’il ne nous reste plus, au bout de quelques mois, un instant de libre dans une ville où, à l’arrivée, la journée nous offrait la disponibilité de ses douze heures, si une par hasard était devenue vacante, je n’aurais plus eu l’idée de l’employer à voir quelque église pour laquelle j’étais jadis venu à Balbec, ni même à confronter un site peint par Elstir avec l’esquisse que j’en avais vue chez lui, mais à aller faire une partie