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même que sa généalogie, avoir du prix pour cet excellent baron. Mais quel intérêt cela a-t-il pour nous qui n’avons pas le privilège de nous y promener, ne connaissons pas cette dame et ne possédons pas de titres de noblesse ? » Car Brichot ne soupçonnait pas qu’on pût s’intéresser à une robe et à un jardin comme à une œuvre d’art, et que c’est comme dans Balzac que M. de Charlus revoyait les petites allées de Mme de Cadignan. Le baron poursuivit : « Mais vous la connaissez, me dit-il, en parlant de cette cousine et pour me flatter en s’adressant à moi comme à quelqu’un qui, exilé dans le petit clan, pour M. de Charlus sinon était de son monde, du moins allait dans son monde. En tout cas vous avez dû la voir chez Mme de Villeparisis. — La marquise de Villeparisis à qui appartient le château de Baucreux ? demanda Brichot d’un air captivé. — Oui, vous la connaissez ? demanda sèchement M. de Charlus. — Nullement, répondit Brichot, mais notre collègue Norpois passe tous les ans une partie de ses vacances à Baucreux. J’ai eu l’occasion de lui écrire là. » Je dis à Morel, pensant l’intéresser, que M. de Norpois était ami de mon père. Mais pas un mouvement de son visage ne témoigna qu’il eût entendu, tant il tenait mes parents pour gens de peu et n’approchant pas de bien loin de ce qu’avait été mon grand-oncle chez qui son père avait été valet de chambre et qui, du reste, contrairement au reste de la famille, aimant assez « faire des embarras », avait laissé un souvenir ébloui à ses domestiques. « Il paraît que Mme de Villeparisis est une femme supérieure ; mais je n’ai jamais été admis à en juger par moi-même, non plus, du reste, que mes collègues. Car Norpois, qui est d’ailleurs plein de courtoisie et d’affabilité à l’Institut, n’a présenté aucun de nous à la marquise. Je ne sais de reçu par elle que notre ami Thureau-Dangin, qui avait avec elle d’anciennes relations de