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CHAPITRE TROISIÈME


Tristesses de M. de Charlus. Son duel fictif. Les stations du « Transatlantique ». Fatigué d’Albertine, je veux rompre avec elle.


Je tombais de sommeil. Je fus monté en ascenseur jusqu’à mon étage non par le liftier, mais par le chasseur louche, qui engagea la conversation pour me raconter que sa sœur était toujours avec le Monsieur si riche, et qu’une fois, comme elle avait envie de retourner chez elle au lieu de rester sérieuse, son Monsieur avait été trouver la mère du chasseur louche et des autres enfants plus fortunés, laquelle avait ramené au plus vite l’insensée chez son ami. « Vous savez, Monsieur, c’est une grande dame que ma sœur. Elle touche du piano, cause l’espagnol. Et vous ne le croiriez pas, pour la sœur du simple employé qui vous fait monter l’ascenseur, elle ne se refuse rien ; Madame a sa femme de chambre à elle, je ne serais pas épaté qu’elle ait un jour sa voiture. Elle est très jolie, si vous la voyiez, un peu trop fière, mais dame ! ça se comprend. Elle a beaucoup d’esprit. Elle ne quitte jamais un hôtel sans se soulager dans une armoire, une commode, pour