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pas laisser seule (je trouvais que cette prétendue parenté simplifiait les choses pour sortir avec Albertine). Mais pour les Cambremer, comme je la leur ai déjà présentée… — Vous ferez ce que vous voudrez. Ce que je peux vous dire : c’est excessivement malsain ; quand vous aurez pincé une fluxion de poitrine, ou les bons petits rhumatismes des familles, vous serez bien avancé ? — Mais est-ce que l’endroit n’est pas très joli ? — Mmmmouiii… Si on veut. Moi j’avoue franchement que j’aime cent fois mieux la vue d’ici sur cette vallée. D’abord, on nous aurait payés que je n’aurais pas pris l’autre maison, parce que l’air de la mer est fatal à M. Verdurin. Pour peu que votre cousine soit nerveuse… Mais, du reste, vous êtes nerveux, je crois… vous avez des étouffements. Hé bien ! vous verrez. Allez-y une fois, vous ne dormirez pas de huit jours, mais ce n’est pas notre affaire. » Et sans penser à ce que sa nouvelle phrase allait avoir de contradictoire avec les précédentes : « Si cela vous amuse de voir la maison, qui n’est pas mal, jolie est trop dire, mais enfin amusante, avec le vieux fossé, le vieux pont-levis, comme il faudra que je m’exécute et que j’y dîne une fois, hé bien ! venez-y ce jour-là, je tâcherai d’amener tout mon petit cercle, alors ce sera gentil. Après-demain nous irons à Harambouville en voiture. La route est magnifique, il y a du cidre délicieux. Venez donc. Vous, Brichot, vous viendrez aussi. Et vous aussi, Ski. Ça fera une partie que, du reste, mon mari a dû arranger d’avance. Je ne sais trop qui il a invité. Monsieur de Charlus, est-ce que vous en êtes ? » Le baron, qui n’entendit pas cette phrase et ne savait pas qu’on parlait d’une excursion à Harambouville, sursauta : « Étrange question », murmura-t-il d’un ton narquois par lequel Mme Verdurin se sentit piquée. « D’ailleurs, me dit-elle, en attendant le dîner Cambremer, pourquoi ne l’amèneriez-vous