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La famille primitive se multipliant ou se dédoublant dans sa subjectivité par le mariage de ses rejetons ; la liberté, d’autre part, se montrant incompressible dans l’individu, la personnalité dans le couple conjugal inviolable, il y a lieu de suivre cette multiplication ou ce dédoublement de la famille, dans son objectivité, c’est-à-dire dans la possession et l’exploitation du sol : ce n’est pas encore la propriété, comme on verra tout à l’heure ; mais c’est déjà la distinction du tien et du mien, dans une limite déterminée par le besoin de chaque famille et par son travail. Des bornes sont plantées, non point, comme l’a cru Rousseau, pour marquer l’aliénation du territoire, mais uniquement pour marquer la limite des cultures et le partage des produits. Le règne de Caïn, le possesseur terrien, commence ; il prévaut contre celui d’Abel, le gardeur de troupeaux ; la guerre éclate entre le labourage et la vaine pâture, entre le producteur de blé sédentaire et le berger nomade. Cet instant dramatique, auquel toutes les traditions rapportent la fin de l’âge d’or, que la cosmogonie hébraïque a maudit, et probablement calomnié en la personne de Caïn le fratricide, est devenu au contraire, chez les peuples d’Italie, le point de départ de la religion. La famille est sanctifiée ; son chef, paterfamilias, est juge, prêtre et guerrier ; l’épieu dont il forme sa palissade, et avec lequel il combat à la guerre, signe de sa dignité et de sa force, est en même temps le symbole du Dieu qui préside à la guerre et à la possession. La plantation des bornes est une cérémonie religieuse ; les arpenteurs