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des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et par les règlements. » (Code civil, art. 544) - Le latin est plus énergique, peut-être plus profond que le français. Mais remarquez une chose, une chose merveilleuse, que n’ont jamais relevée les juristes : c’est que ces deux définitions sont l’une et l’autre contradictoires, en ce que chacune consacre un double absolutisme, celui du propriétaire et celui de l’État, deux absolutismes manifestement incompatibles. Or, il faut qu’il en soit ainsi, et c’est là qu’est la sagesse du Législateur, sagesse dont bien peu de jurisconsultes se sont douté jusqu’ici assurément.

Je dis d’abord que la propriété est absolue de sa nature, et, dans toutes ses tendances, absolutiste ; c’est-à-dire que rien ne doit entraver, limiter, restreindre, conditionner l’action et la jouissance du propriétaire : sans cela il n’y a pas propriété. Tout le monde comprend cela. C’est ce que le latin exprime par les mots : jus utendi et abutendi. Comment donc, si la propriété est absolue, le Législateur peut-il exprimer des réserves au nom de la raison du Droit, qui n’est autre évidemment que la raison d’État, organe et interprète du Droit ? Qui dira jusqu’où vont ces réserves ? Où s’arrêtera, vis-à-vis de la propriété, la raison du Droit, la raison d’État ? Que de reproches, que de critiques ne peut-on pas faire contre la propriété ? que de conclusions ne peut-on pas poser qui réduisent à néant son absolutisme ? Le Code français est plus réservé dans l’expression de ses restrictions ; il dit : «