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ils attestent surtout l’extrême inégalité des fortunes, conséquence du droit d’aubaine, qui permet rarement au fils du pauvre d’embrasser la profession qui lui convient le mieux, et qui fait rechercher au fils dit riche des professions qui ne lui conviennent pas du tout.

Que les citoyens cessent de reconnaître le droit d’aubaine, qu’ils organisent la cité d’après les données de la justice et de la science, et il n’y aura plus un seul travailleur mal classé ; tous gagneront, à travail égal, des salaires a peu près égaux.

Vous oubliez, objectait-on, que tous les travailleurs d’une même profession ne sont pas également capables de créer des produits de même qualité. Aux saint-simoniens et phalanstériens, qui me faisaient cette objection, je répondais dans l’Avertissement aux propriétaires : « Tout talent fortement prononcé donne lieu à une division dans le travail, en un mot, à une fonction. Ce talent tombe sous la loi d’égalité dans les échanges, formulée par Adam Smith. » Le cordonnier qui a appris en quelques mois à fabriquer des souliers de pacotille veut-il essayer de faire des chaussures de qualité supérieure : il gagnera moins que l’ouvrier dont l’apprentissage a été complet, encyclopédique ; et cela est de toute justice, puisqu’il n’est qu’apprenti, ignorant de son métier. Mais qu’il se décide à ne faire que des souliers de pacotille, et son salaire réel, c’est-à-dire son salaire apparent, diminué de l’amortissement de ses frais d’apprentissage, sera le même que le salaire réel des cordonniers de