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agissant exclusivement pour le compte de cet intérêt et sans arrière-pensée d’égoïsme, intéresser le public, alors qu’il se compose d’individualités que le motif seul du lucre ou de l’intérêt privé détermine ?

Comment trouver à une pareille société des bailleurs de fonds, des actionnaires ?

D’abord le public, celui des producteurs, auquel on prétend surtout s’adresser, a peu ou point d’argent ; s’il en possède, c’est pour s’en servir, non pour le prêter ; il est avare de ses capitaux, il n’aime point à s’en dessaisir.

Puis, il n’est pas dans le cœur humain de placer de l’argent sur des spéculations de cette espèce. L’intérêt de tout le monde n’est celui de personne. On a de l’argent pour son ambition, pour ses passions, pour ses jouissances ; on n’en a pas pour une œuvre de philanthropie. On achète un billet de loterie, des actions de jouissance ; on joue sur les plus mauvaises valeurs, parce que si la chance du succès est petite, le bénéfice, en cas de réussite, est énorme. Mais on n’achète pas, en général, des garanties. Un fabricant, trouvant un beau coup à faire, mettra 100,000 francs à des matières premières ; il ne donnera pas un sou pour s’assurer le débouché. Peu de gens, par un sacrifice médiocre, s’assurent contre le chômage, la surproduction, la banqueroute, la mort !…

Comment donc, encore une fois, triompher ici de cette première difficulté, écueil ordinaire de toutes les commandites : la formation du capital ?

Au chapitre précédent, en traitant de la formation de la Société, nous avons pris comme principe de droit ou base juridique, l’appel des clients de la compagnie à titre de commanditaires.

Partons de là, et posons de nouveau, comme principe d’économie, ou base scientifique, cet aphorisme si connu : Les produits s’échangent contre les produits. Principe incontestable, mais jusqu’à ce jour demeuré stérile aux mains