Page:Proudhon - Théorie de la propriété, 1866.djvu/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des mines ; de nos jours, enfin, les concessions de chemins de fer, etc.

Au fond, ce système n’est autre que celui de l’appropriation habituelle. On ne peut pas dire qu’il soit mauvais en soi et absolument répréhensible, puisqu’à moins de décréter la communauté universelle de biens et de gains, et l’exécution de toutes choses par l’État, il est clair que, dans une certaine limite, le domaine d’une nation, territoire, commerce, industrie, science, etc., requiert, pour sa bonne exploitation, le partage, la propriété.

Mais il s’agit de savoir où doit s’arrêter l’appropriation, et si, en dehors de la sphère politique et gouvernementale, dont personne ne songea jamais à approprier les fonctions, il n’est pas certaines parties du domaine national, de l’ordre économique, qu’il est à désirer pour le peuple de ne pas confier à une exploitation égoïste, ayant des intérêts distincts de ceux du pays même ?

À ne consulter d’abord que l’expérience des nations, il appert suffisamment que si les petites industries peuvent être sans danger appropriées, s’il n’y a nul danger pour la liberté du travail, du crédit et de l’échange, à ce que chaque famille de cultivateur possède autant de terre qu’elle en peut cultiver, il n’en est pas de même lorsqu’il est question d’agglomérer, en un petit nombre de mains, un vaste territoire, couvert d’une population nombreuse ; de concéder à un propriétaire unique cinq cents kilomètres carrés de mines ; de livrer à cinq ou six compagnies toute la circulation, financière et mercantile, d’un empire.

En créant de tels privilèges, sous prétexte que les fonctions de l’ordre économique ne sont pas de son ressort, le gouvernement ne fait autre chose que préparer la servitude du pays et la sienne même. Il aliène son initiative, il se dépouille de sa légitime influence, il se fait serf de ses propres créatures ; il s’ôte la liberté d’action, languit, s’abaisse, s’efface, jusqu’au jour où, ayant perdu tout son ressort, indifférent aux privilégiés qu’il a faits, et qui le