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si exorbitant, si redoutable, qu’on a érigé contre lui le domaine de propriété, véritable insigne de la souveraineté du citoyen ; que ce domaine a été attribué-à l’individu, l’État ne gardant que les parties indivisibles et communes par destination : cours d’eau, lacs, étangs, routes, places publiques, friches, montagnes incultes, forêts, déserts, et tout ce qui ne peut être approprie. C’est afin d’augmenter la facilité de locomotion et de circulation qu’on a rendit la terre mobilisable, aliénable, divisible, après l’avoir rendue, héréditaire. La propriété allodiale est un démembrement de la souveraineté : à ce titre elle est particulièrement odieuse au pouvoir et à la démocratie. Elle est odieuse au premier en raison de son omnipotence ; elle est l’adversaire de l’autocratie, comme la liberté l’est de l’autorité ; elle ne plaît point aux démocrates, tous enfiévrés d’unité, de centralisation, d’absolutisme. Le peuple est gai quand il voit faire la guerre aux propriétaires. Et pourtant l’alleu est la base de la république.

La constitution d’une république, — qu’on me permette au moins d’employer ce mot dans sa haute acception juridique, — est la condition sine quâ non du salut. Le général Lafayette dit un jour, en montrant Louis-Philippe : « Celui-ci est la meilleure des républiques ; » et la royauté constitutionnelle fut définie : « Une monarchie entourée d’institutions républicaines. » Le mot république n’est donc pas par lui-même séditieux : il répond aux vues de la science autant qu’il satisfait aux aspirations.