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ne donne droit qu’aux fruits, tout au plus à une indemnité pour l’aménagement du sol, peut-être encore à une préférence de possession, de possession, entendons-nous bien, jamais, non jamais à la souveraineté du fonds, à ce que la loi romaine appelait le domaine éminent de propriété. Autrement il faudrait dire que tout fermier est, ipso facto, propriétaire, et que celui qui amodie sa terre s’en dessaisit. Tout ce que l’on a débité de nos jours sur les peines et les mérites du cultivateur est un verbiage sentimental : ce n’est ni de la philosophie, ni du droit. L’ouvrage publié par M. Thiers, en 1848, pour la défense de la Propriété, est une pure bucolique. Est-ce le législateur qui a créé la propriété ? Mais pour quels motifs ? En vertu de quelle autorité ? On n’en sait rien. Si c’est le législateur qui, par un acte de son bon plaisir, a institué la propriété, le même législateur peut l’abroger et déplacer les héritages, comme dit M. Laboulaye : dès lors la propriété n’est qu’une fiction légale, un arbitraire, arbitraire d’autant plus odieux, qu’elle laisse en dehors d’elle la majorité du peuple. Faut-il dire, avec quelques-uns qui se piquent de métaphysique, que la propriété est l’expression de l’individualité, de la personnalité, du moi ? Mais la possession suffit largement à cette expression, mais, encore une fois, s’il suffit de dire : ce champ est à moi, pour avoir la propriété, tous sont propriétaires au même titre ; voila la guerre civile allumée, et pour conclusion la servitude ; or, quand vous avez passé en revue la prime-occupation, la conquête, le travail, l’autorité du législateur