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politique, signalée à la jalousie de la plèbe, acceptant lâchement ce que le pouvoir veut bien lui laisser, et se laissant convertir en un pur privilège, elle se retire de l’action et laisse agir à sa place les forces déchaînées de l’ignorance, de la tyrannie et de la misère.

Certes, le danger est grave, et ce ne sont pas les doctrines providentialistes de nos jurisconsultes qui parviendront à le conjurer. Ils n’ont jamais rien conçu à la propriété ; ils n’en comprennent ni la haute destination ni l’histoire, et le fond de leur science sur cette matière ardue est un immoral scepticisme.

« Toutes les fois, dit M. Laboulaye, que la société, sans s’écarter de sa route providentielle, change de moyens, qu’elle déplace l’héritage ou. les privilèges politiques attachés au sol, elle, est dans son droit, et nul n’y peut trouver à redire en vertu d’un droit antérieur ; car avant elle et hors d’elle, il n’y a rien ; en elle est la source et l’origine du droit. »

C’est ainsi que l’historien de la propriété en explique les vicissitudes ! La société, instrument de la Providence, a planté les bornes des héritages, et la société les arrache ; la société a institué la propriété à la place de la possession, puis elle est revenue à la possession en abandonnant la propriété ; la société a changé l’alleu en fief et le fief en alleu : e sempre bene. La société, — j’ai peur qu’un jour, trop tôt peut-être, la société ne signifie le gouvernement, — est dans son droit, quoi qu’elle fasse ; elle suit sa route providentielle, et nul n’a droit d’y trouver à redire.