Page:Proudhon - Théorie de la propriété, 1866.djvu/183

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’origine qu’une usurpation sur laquelle le législateur a passé l’éponge. Mais comme, selon lui, ce qui fut bon à commencer est bon à continuer, il n’a qu’une pensée : c’est, sauf le respect des sergents, d’augmenter son Avoir, par tous les moyens équivoques qui ont servi à l’établir. Il exploite le pauvre, dispute le salaire a l’ouvrier, pille partout et grapille, enlevant un sillon au champ du voisin, et déplaçant les bornes quand il le peut faire sans être aperçu. J’en ai vu un qui ramassait avec les mains la terre dans le fossé et la retirait de son côté : on eût dit qu’il la mangeait. A lui de faire rendre à la rente, à l’intérêt de l’argent, tout ce qu’ils peuvent rendre : aussi n’est-il pire usurier comme il n’est pire maître et plus mauvais payeur. Du reste, hypocrite et poltron, ayant peur du diable comme de la Justice, craignant la peine, non l’opinion ; mesurant tous les hommes à son aune, c’est-à-dire les regardant comme des fripons ; étranger surtout aux affaires publiques et ne se mêlant pas du gouvernement, si ce n’est pour faire dégrever sa cote ou payer son vote, heureux qu’il se trouve autour de lui des citoyens à préjugés dont le suffrage incorruptible lui permette de tirer bon parti du sien. C’est le propriétaire selon la lettre et le principe, ce qui revient a dire, selon l’égoïsme et la matière.

Jetez maintenant les yeux de l’autre côté, et considérez cette figure où se peignent, avec la dignité et la franchise, les hautes pensées du cœur. Ce qui distingue tout d’abord le sujet, c’est que jamais, dans la candeur de son âme, il n’eût inventé la propriété. Il aurait