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il y laisse pousser des ronces, ou y mette du bétail, il en est le maître. Naturellement, la société aura sa part du dommage occasionné par une exploitation paresseuse oui mal entendue, comme elle souffre de tout vice et de toute aberration individuelle. Mais mieux vaut encore pour la société supporter ce préjudice, que de le conjurer par des règlements. Napoléon 1er disait que s’il voyait un propriétaire laisser son champ en friche, il lui retirerait sa propriété. C’était une pensée de justice qui faisait parler le conquérant ; ce n’était pas une pensée de génie. Non, pas même dans le cas où il plairait au propriétaire de laisser ses terres sans culture, vous ne devez, vous chef d’État, intervenir. Laissez faire le propriétaire : l’exemple ne sera pas contagieux ; mais ne vous engagez point dans un labyrinthe sans issue. Vous permettez à tel propriétaire d’abattre une forêt qui fournissait au chauffage de tout un district ; à tel autre de transformer vingt hectares de terres à blé en parc, et d’y élever des renards. Pourquoi ne serait-il pas permis à celui-ci de cultiver la ronce, le chardon et l’épine ? L’abus de la propriété est le prix dont vous payez ses inventions et ses efforts : avec le temps elle se corrigera. Laissez faire.

C’est ainsi que la propriété, fondée sur l’égoïsme, est la flamme à laquelle s’épure l’égoïsme. C’est par la propriété que le moi individuel, insocial, avare, envieux, jaloux, plein d’orgueil et de mauvaise foi, se transfigure, et se fait semblable au moi collectif, son maître et son modèle. L’institution qui semblait faite pour