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dans une société politique, devient aussitôt républicaine.

C’est tout le contraire de la possession ou du fief, dont la tendance est fatalement à l’unité, à la concentration, à la sujétion universelle. De tous les despotismes, le plus écrasant fut celui des czars, à ce point qu’il en devenait impossible, et que depuis un demi-siècle on a vu les empereurs de Russie travailler d’eux-mêmes à en alléger le poids. Or, la cause première de ce despotisme était dans cette possession slave à laquelle les réformes d’Alexandre II viennent de porter un premier coup.

Un des abus les plus odieux de la propriété, qui dès l’origine a soulevé contre elle la plainte des masses, est l’accaparement. Les grandes propriétés ont perdu l’Italie, latifundia perdidere Italiam. C’est le cri des historiens qui ont raconté les derniers temps de l’empire. Ce peut être une fort belle chose qu’un vaste domaine bien exploité, bien clos, et donnant régulièrement au propriétaire un bon revenu. La société a sa part de cette richesse : en sorte que l’on peut dire jusqu’à certain point que l’intérêt public est d’accord avec la grande propriété. Mais il est encore plus triste de voir des troupes de paysans sans patrimoine, errant sur les routes, chassés de la terre qui semble leur appartenir, et refoulés par le latifundium dans le prolétariat des grandes villes, où ils végètent, sans droits comme sans avoir. Or, c’est ce qui n’arriverait pas dans un système de propriété conditionnelle et restreinte, qui interdirait la division et l’aliénation du sol.