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latifundia, que fut conçu, au sein des sociétés chrétiennes, le système de propriété féodale, renouvelé de l’antique patriarcat, par la papauté unie à l’empire et soutenue du prestige de la religion.

La propriété Moderne, constituée en apparence contre toute raison de droit et tout bon sens, sur un double absolutisme, peut être considérée comme le triomphe de la Liberté. C’est la Liberté qui l’a faite, non pas, comme il semble au premier abord, contre le droit, mais par une intelligence bien supérieure du droit. Qu’est-ce que la Justice, en effet, sinon l’équilibre entre les forces ? La Justice n’est pas un simple rapport, une conception abstraite, une fiction de l’entendement, ou un acte de foi de la conscience : elle est une chose réelle, d’autant plus obligatoire qu’elle repose sur des réalités, sur des forces libres.

Du principe que la propriété, irrévérencieuse à l’égard du prince, rebelle à l’autorité, anarchique enfin, est la seule force qui puisse servir de contre-poids à l’État, découle ce corollaire : c’est que la propriété, absolutisme dans un autre absolutisme, est encore pour l’État un élément de division. La puissance de l’État est une puissance de concentration ; donnez-lui l’essor, et toute individualité disparaîtra bientôt, absorbée dans la collectivité ; la société tombe dans le communisme ; la propriété, an rebours, est une puissance de décentralisation ; parce qu’elle-même est absolue, elle est anti-despotique, anti-unitaire ; c’est en elle qu’est le principe de toute fédération : et c’est pour cela que la propriété, autocratique par essence, transportée