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Telle est, depuis 89, la constitution de la propriété. Il est aisé de voir qu’autant l’alleu est supérieur au fief, autant il eût été impossible à priori de le découvrir : c’est une de ces choses qui dépassent la raison philosophique, et que le génie de l’Humanité petit seul produire.

Qui ne voit, en effet, que la constitution féodale est venue d’un respect du Droit parfaitement raisonne, d’une idée de justice qui se refusait à cet absolutisme propriétaire, le jugeant irrationnel, usurpatoire, immoral, plein de menaces et d’égoïsme, injurieux à Dieu et aux hommes ? C’est le respect calculé du Droit qui a créé cette propriété enchaînée, incessible, indivisible, dépendante, gage de subordination, de hiérarchie, comme de protection et de surveillance. Et il s’est trouvé, à l’expérience, que la tyrannie était justement là où l’on avait cru trouver le droit ; l’anarchie, où s’était manifestée la hiérarchie ; la servitude et la misère, où l’on s’était flatté de créer la protection et la charité.

Il est permis de croire qu’au temps de la république romaine et de la toute-puissance du patriciat, la définition de la propriété était simplement unilatérale : Dominium est jus utendi et abutendi ; et que seulement plus tard, sous les empereurs, les légistes ajoutèrent la restriction : quatenùs juris ratio patitur. Mais le mal était fait ; les empereurs n’y purent rien. La propriété romaine demeura indomptée ; et ce fut en haine de cet absolutisme propriétaire, sans contre-poids, en haine de la tyrannie sénatoriale et des