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figure, a tenu jusqu’à présent beaucoup plus de place dans la civilisation que la propriété. La terre, pour l’immense majorité de ceux qui la cultivent, quand ils n’ont pas été serfs de la glèbe, a été tenue en colonat, emphytéose, bénéfice, précaire, commande, main-morte, bail à ferme et à cheptel, etc., tous termes synonymes ou équivalents de possession. Le très-petit nombre est arrivé à la propriété. Puis, quand la classe propriétaire s’est multipliée, — ce qui ne s’est vu que deux ou trois fois dans l’histoire, après le triomphe de César, plus tard à la suite des invasions, et à la fin du dix-huitième siècle, lors de la vente des biens dits nationaux, — tout aussitôt la propriété, accablée d’impôts et de servitudes, livrée a l’anarchie, au morcellement, à la concurrence, à l’agiotage, menacée, comme d’une épée de Damoclès, par la loi d’expropriation pour cause d’utilité publique, rongée par l’hypothèque, amoindrie par le développement de la richesse industrielle et mobilière, s’est trouvée au-dessous de l’antique possession. Le prétorien a vendu son lopin et s’est retiré dans la grand’ville ; le barbare a cherché protection pour son alleu, et l’a converti en fief ; et nous voyons aujourd’hui une foule de propriétaires, grands et petits, fatigués et déçus, faire argent de leur patrimoine, et se réfugier, qui dans le trafic, qui dans les emplois publics, qui dans la domesticité et le salariat.

Rien, ce semble, n’était plus facile que de régulariser et d’affermir cette possession, à laquelle l’inégalité est contraire, et qui exclut toute espèce de privilège