Page:Proudhon - Théorie de l impôt, Dentu, 1861.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sut generis, qui est à l’individu, assemblage de passions et de facultés diverses, ce que l’État est à la collectivité des citoyens, la plus haute puissance de conception et de création de l’être (D).

Voilà pourquoi la raison d’État n’est pas la même chose que la raison individuelle ; pourquoi l’intérêt d’État n’est pas le même non plus que l’intérêt privé, celui-ci fût-il identique dans la majorité ou l’universalité des citoyens ; pourquoi les actes du gouvernement sont d’une autre nature que les actes du simple particulier. Les facultés, attributs, intérêts, diffèrent entre le citoyen et l’État comme l’individuel et le collectif diffèrent entre eux : nous en avons vu un bel exemple, quand nous avons posé ce principe que la loi d’échange n’est pas la même pour le particulier et pour l’État.

Sous le régime du droit divin, la raison d’État se confondant avec la raison dynastique, aristocratique ou cléricale, pouvait n’être pas toujours conforme à la justice ; c’est ce qui a fait proscrire, par le droit moderne, le principe abusif de la raison d’État. De même l’intérêt d’État, se confondant avec l’intérêt de dynastie ou de caste, n’était pas non plus conforme en tout à la Justice ; et c’est ce qui fait que toute société transformée par la Révolution tend au gouvernement républicain.

Sous le nouveau régime, au contraire, la raison d’État doit être en tout conforme à la Justice, l’expression vraie du droit, raison essentiellement générale et synthétique, distincte par conséquent de la