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payer, ce sera autre chose ! Le peuple accusera le fisc, se plaindra de l’inégalité de l’impôt, demandera des lois somptuaires, des taxes sur les riches, sur les domestiques, les chevaux et les chiens ; il fera, au sortir du spectacle, une émeute contre le gouvernement. En 1830, à Bruxelles, ce fut à la représentation de Masaniello, le pêcheur napolitain, chassant du marché les percepteurs, que commença la révolution qui sépara la Belgique de la Hollande. En France, il n’y a guère que la bourgeoisie qui s’avise de critiquer les dépenses du pouvoir. Le bourgeois, homme d’affaires, sait que la dépense a pour contre-partie la recette, ce qui veut dire l’impôt. Mais le peuple n’y songe pas ; et ce n’est pas sans un certain sentiment d’orgueil qu’il entend dire que le budget atteindra sous peu le chiffre de deux milliards.

« L’impôt, dit Michel Chevalier, prend aux contribuables des sommes dont la majeure partie, si on les lui eût laissées, fût devenue du capital. L’impôt consume ainsi la substance de l’amélioration populaire. Lors donc qu’on se propose sérieusement d’améliorer le sort des pauvres, on modère l’impôt et on l’emploie utilement ; on le consacre, autant que possible, à ce qui doit favoriser la production de la richesse, et sur ces divers points on est inflexible. »

Le peuple, dans son ignorance, est fort éloigné de ces maximes. On ne lui fera point entendre que le principe de son bien-être, à lui qui vit au jour la journée et qui n’a jamais de reste, est dans l’épargne de ceux à qui il reste chaque jour quelque chose :