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infaillibilité. La première civilisation s’est opérée sous l’impulsion de la raison spontanée ; jusqu’à la fin du xviiie siècle, cette raison intuitive suffit à éclairer la marche des nations. Moins il y avait en elles de réflexion, moins elles couraient risque de s’égarer. C’est ainsi que se fondèrent les aristocraties, les monarchies, les sacerdoces, que se formèrent les coutumes, et que furent ébauchées les anciennes constitutions. À l’aide de sa raison prime-sautière l’humanité a franchi sa période d’enfance, et accompli ses premières métamorphoses.

Maintenant la situation est changée. La spontanéité des masses, de plus en plus mêlée de raisonnement, s’est pervertie ; elle va en casse-cou ; elle fait des évolutions, elle ne sait plus opérer de révolutions. Le sens commun, jadis juge souverain et infaillible, trébuche à chaque pas. Plus d’inspiration, et pas de science. Il est évident que le progrès du droit et de la liberté ne peut se poursuivre qu’à l’aide de la raison philosophique : au peuple comme au prince, la science est devenue une nécessité. Or, la philosophie n’a pas encore remplacé dans les sociétés humaines le génie ; nous avons abjuré nos dogmes, et nous n’avons pas posé nos principes ; chose étrange, que sans doute on ne reverra plus, nous sommes, par l’idée, également au-dessous de nos aïeux et au-dessous de nos descendants.

La science donc, tel est maintenant le suprême effort commandé au peuple, à peine d’une éternelle servitude. Qui n’a pas l’intelligence ne peut servir que