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tous ceux qui peuvent attenter à la propriété, de quelque manière que ce soit. Assimiler l’impôt à l’assurance, c’est, je ne crains pas de le dire, faire injure à la société. M. Émile de Girardin, par les façons dont il s’est approprié cette thèse, l’a faite sienne : « Tel que nous le comprenons, dit-il, l’impôt doit être la prime d’assurance payée par ceux qui possèdent pour s’assurer contre les risques de nature à les troubler dans leur possession ou leur jouissance. Parmi ces risques, nous inscrivons au premier rang le cas de sinistre pour cause de révolution. »

C’est un des défauts de M. de Girardin, lorsqu’il écrit, de ne pouvoir se défaire des préoccupations de son époque. On voit trop qu’il a traversé la révolution de 1848, et qu’elle lui a fait peur. Esprit sceptique, possesseur d’une grande fortune, M. de Girardin n’est pas éloigné, surtout depuis février, de voir dans chaque citoyen qui ne possède pas un ennemi, un spoliateur, que la crainte de Dieu ou du gendarme peut seule retenir ; et c’est en vue de s’assurer contre le risque de pillage ou de partage qu’il a élevé son fameux principe.

L’idée de faire de l’impôt une assurance, si elle était accueillie, prouverait trois choses : 1o que la société, soi-disant régénérée par les principes de la Révolution, ne croit pas à la justice ; 2o qu’elle ne croit pas au droit de propriété, mais seulement au fait établi ; 3o qu’en conséquence, afin de maintenir le statu quo, il y a lieu de recourir, vis-à-vis les classes les moins fortunées, à tous les moyens que commandent