Que dis-je ? la féodalité renaît de nos jours sous une forme nouvelle ; elle couvre la nation, et déjà se répand sur l’Europe. Ses intérêts, comme jadis ceux des grands seigneurs, sont solidaires de ceux du fisc ; c’est pour elle en partie que l’impôt est perçu ; tant qu’elle ne sera pas ébranlée, il n’y aura pas à craindre que le budget diminue et que l’impôt se réforme. Comme autrefois, la multitude travaille pour un peu moins que le nécessaire : elle forme le bercail, dont les hauts bourgeois sont les chiens et le chef de l’État le berger. Ce n’est pas demain que le peuple français, égalitaire par vanité, non par justice, saura, d’expérience, ce que c’est que l’égalité en matière d’impôt.
J’ai parlé de la France : est-il besoin de redire que ce régime d’exploitation des masses, sous le nom d’impôt, se retrouve dans toute l’Europe féodale, et qu’il fleurit, à l’heure où j’écris ce mémoire, dans la plus grande partie de l’Europe constitutionnelle ? Les successeurs de Guillaume le Conquérant sont obligés d’accorder à la cité de Londres des chartes d’affranchissement, afin de prévenir la révolte provoquée par leurs exactions. Pour faire triompher le principe de la discussion et du vote de l’impôt par les fidèles communes, l’Angleterre a fait périr un de ses rois sur l’échafaud et elle en a chassé un autre : cela a-t-il empêché le gouvernement anglais, tenu en bride par