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Parieu et Thiers ? On le devrait croire, s’il fallait prendre au sérieux les lignes suivantes de son rapport :

« Quant aux consommateurs, ce sont les nécessiteux qui échappent le plus sûrement à la charge de l’impôt. Ils y échappent précisément parce qu’ils sont nécessiteux, c’est-à-dire parce que le revenu dont ils vivent ne peut supporter aucune diminution. »

Exactement la pensée de M. Thiers (voir plus haut les notes (F) et (Q), pages 350 et 375). Mais d’abord M. Cherbuliez commet lui-même la plus grossière des erreurs, en prenant au pied de la lettre, à l’exemple de M. Thiers, les mots impôts sur la consommation. Pour être correct, il faut dire impôt sur le produit, ce qui rend d’une évidence immédiate cette vérité que le contribuable, si fort consommateur soit-il, qui ne produit rien, ne paye rien. D’autre part, et puisqu’on aime tant à parler de dévolution, comment M. Cherbuliez ne voit-il pas que le travail a sa dévolution aussi bien que l’impôt, de telle sorte que, par la mutualité des services et la solidarité des industries, chaque travailleur concourt au produit collectif, et que celui qui taille la pierre, forge le fer, tisse la laine ou le coton, peut se vanter en même temps d’avoir labouré, semé, taillé la vigne, fauché la prairie, extrait le minerai, etc. ? La conséquence est que les travailleurs étant solidaires pour la production le sont également pour l’impôt ; que comme ils produisent tout ils payent tout, tandis que le riche oisif qui ne produit rien ne paye rien. Voilà ce que, considérée sous toutes les faces, signifie la loi de dévolution. Ce sont de ces choses qu’on ne devrait pas avoir besoin de rappeler à un professeur. Malheureusement, les professeurs sont comme l’équité dans l’impôt, des êtres de raison, très-savants, très-érudits, sages, modérés, à l’abri de toute aigreur et de tout emportement. Seulement, il leur arrive assez fréquemment de ne voir qu’une partie des faits, ce qui fait trébucher leur judiciaire.