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chies et tant d’aveugles préventions, ôteraient toute valeur et toute autorité à cette partie de son mémoire ? »

M. le professeur d’économie politique parle ici d’après son tempérament. D’autres ont trouvé le ton de mon mémoire aussi calme qu’impartial. Pour lui, il habite la région sereine des idées : ni la clameur des masses, ni les menaces de la tyrannie, ni les fureurs des partis n’arrivent jusqu’à lui. Je l’en félicite, sans lui porter la moindre envie. Mais comment ne voit-il pas que toute conquête de la Justice est le prix d’une lutte, et qu’un peu de véhémence ne messied point à l’écrivain armé pour cette cause ? Est-ce que la seule raison touche le pouvoir ? Est-ce qu’elle émeut le privilége ? Est-ce qu’elle suffit pour entraîner les sages eux-mêmes ? Quand a-t-on vu les abus se réformer, l’usure se restreindre, le despotisme abdiquer, sur le simple avis d’un conseil académique ou d’une consultation de jurisconsultes ? Jamais la plainte du peuple n’est écoutée, si elle n’est accompagnée de grincements de dents. Je souhaite à M. Cherbuliez de n’avoir jamais à se mêler de révolution. Son flegme ferait de lui le plus implacable des tribuns. Le plus méchant des animaux, dit-on, ce n’est ni le tigre, ni la hyène, ni la vipère ; c’est le mouton atteint de la rage. Ah ! de grâce, monsieur le Rapporteur, ne plaidez pas les circonstances atténuantes en faveur de l’ancien régime. Nous ne sommes pas encore échappés de ses griffes, et, s’il remontait jusqu’à vous, vous ne pourriez pas répondre de votre plume.

4. Abordant le fond de ma théorie, M. Cherbuliez affecte de ne pas comprendre l’opposition établie par moi entre la Liberté et l’État. « La liberté, dit-il, n’est pas une puissance ni un être moral luttant contre l’État. » — Pardon, monsieur le Rapporteur, la liberté est une puissance et un être moral au même titre que l’État : c’est ce dont vous ne douteriez pas, si vous réfléchissiez que cet État, que vous adorez, n’est pas lui-même autre chose que la liberté col-