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volte. Bien plus, dire la vérité aux masses sur tout ce qui touche leurs intérêts, les agiter au nom d’une justice impossible, c’est manquer de prudence, de religion, et même de charité. Le vrai philanthrope s’apitoie sur les misères de ses semblables ; il ne répand pas le sel et le vinaigre sur leurs plaies.

« Comme la misère et l’ignorance sont fortement enracinées dans le monde, les artifices qui dérobent à la plupart des citoyens le chiffre exact des taxes qu’ils acquittent ne cesseront pas de longtemps d’être licites et de renfermer pour ainsi dire une anesthésie bienfaisante, d’autant plus que les procédés qui cachent à certains contribuables les taxes qu’ils acquittent facilitent tout au moins à d’autres qui sont plus éclairés le payement de leur part afférente dans le même fardeau. »

M. de Parieu reculerait d’horreur si, au lieu de ce style lourd, obscur et entortillé qu’il affectionne, je lui traduisais sa pensée en un franc langage : « Il est permis de voler un homme pourvu qu’il ne s’en aperçoive pas ; permis même, à cet effet, de l’assassiner, pourvu qu’au préalable on l’ait endormi au moyen du chloroforme. Le dommage qu’aura souffert la victime sera largement compensé par la joie de l’assassin. » Voilà, et je le dis précisément afin que les ignorants le sachent, voilà ce que M. de Parieu entend par l’anesthésie en matière d’impôt.

« Sous ces divers aspects, » poursuit le grave et pieux écrivain, « les législateurs paraissent avoir recherché par deux voies diverses la facilité dans l’acquittement des taxes. L’extrême divisibilité du payement qui existe dans les taxes sur les consommations accommode l’acquittement de l’impôt aux dispositions prises par le contribuable pour ses approvisionnements. L’impôt se confond, ainsi qu’on l’a dit souvent, avec le prix des choses ; d’un autre côté, en graduant certains droits sur le caractère plus ou