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inégalité serait toute au détriment de celui qui, ayant produit la richesse, n’en obtiendrait qu’une part insuffisante : bien loin que le grand consommateur petit producteur, qui aurait remboursé à la vente les avances faites par le commerçant au trésor, pût se vanter d’avoir payé l’impôt, c’est à lui qu’on pourrait reprocher d’avoir dévoré la portion congrue de l’ouvrier, une richesse à la production de laquelle il aurait peu ou point du tout concouru. Il aurait vécu sur la masse sans payer en réalité un centime de contribution, puisque le consommateur qui ne produit rien ne paye rien. Ceci est de la comptabilité en partie double, mise en langage vulgaire : M. Thiers, qui a été ministre des finances, doit s’y connaître.

On demandera peut-être comment il se peut faire, sous un régime de légalité et d’ordre, qu’il y ait des gens qui consomment ce qu’ils ne produisent pas, tandis que d’autres ne consomment pas ce qu’ils produisent. Les économistes répondent à cette question en expliquant qu’il y a deux manières de produire, l’une par le travail, l’autre par la seule vertu du privilége capitaliste et propriétaire, sans parler de l’arbitraire qui règne dans la rémunération des fonctionnaires publics, des entremetteurs du commerce et de l’industrie, etc. Or cette production des capitalistes et propriétaires, soumise à l’analyse, n’est autre chose qu’une fiction de l’ancien droit féodal, laquelle a passé dans l’économie politique moderne, et se résout en une allocation à peu près gratuite de l’ouvrier au capitaliste-spéculateur et propriétaire, dernière forme de l’exploitation humaine et de l’antique servitude.

En réalité, le travail seul, physique ou intellectuel, est productif. Mais cette théorie de la production par le travail exclusivement n’a point encore prévalu dans la science, n’est pas entrée dans le droit public ; tous les égoïsmes et les préjugés se sont croisés contre elle ; l’ouvrier la com-