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par la nature de leur ministère, autant élevés au-dessus de l’artisan, du manouvrier, du laboureur, que l’âme est élevée au-dessus de la matière, le ciel au-dessus de la terre. Aucune fonction ne peut être comparée, pour la dignité, à la leur, pas même celle qui a pour but de produire la chose la plus nécessaire à la vie, le pain. Comment donc, d’après cela, dire que les dépenses d’État sont les frais généraux de la société ? Ne serait-il pas plus exact de dire au contraire que ce sont les dépenses de l’industrie qui sont les frais généraux de l’État, attendu que la société a pour but d’élever le citoyen à la souveraineté, à la vie politique, juridique, libérale, sauf à lui à acquitter préalablement son devoir, de producteur, et à fournir son contingent de travail ?

Telle est l’objection : elle n’est pas faite seulement par les partisans du droit divin, de la théocratie et de la monarchie absolue ; elle est également présentée par les démocrates, partisans des droits de l’homme et du citoyen.

Il est incontestable qu’au point de vue de la dignité humaine les besoins de l’âme passent avant ceux du corps : satisfaire aux premiers est notre vraie destinée, tandis que la nécessité de pourvoir aux seconds est plutôt l’indice d’une servitude. À cet égard, je ne m’écarte pas de l’opinion commune. Et la conséquence que l’on en tire en faveur des fonctionnaires de l’État et du culte, je l’admettrais également, si la position de ces fonctionnaires était la même aujourd’hui que dans l’ancienne société.

Autrefois le chef de l’État tenait son autorité du droit divin ; sa famille formait ce que l’on appelait une dynastie, protégée d’en haut, pour ne pas dire issue du sang des dieux mêmes. Ceux qui, sous l’autorité du prince, remplissaient l’administration, l’armée, la justice ; ceux qui servaient au culte, tous ceux-là, nobles et prêtres, formaient des classes à part, séparées du reste de la population, comme si, pour un service supérieur, divin, il eût fallu des hommes