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mais il semble que Dieu ne le veuille pas, par l’impossibilité de faire que les bâtiments soient en état de le recevoir et par la mortalité prodigieuse des ouvriers, dont on emporte toutes les nuits des chariots pleins de morts. On cache cette triste marche pour ne pas effrayer les ateliers. »

Une opinion répandue est que Versailles a coûté 1,400 millions de francs, soit, à 5 pour 100, un loyer de 70 millions par année pour le logement du grand roi. Les écrivains qui, dans les pays monarchiques, vantent les gloires princières, ont grand soin de n’en pas faire le décompte : il serait trop évident qu’elles sont loin de valoir ce qu’elles ont coûté. Ce qui fait la gloire de l’homme, ce n’est pas de consommer d’immenses trésors à des bagatelles ; c’est, par la pensée, l’industrie, la bonne administration, de faire beaucoup avec peu ; c’est, à l’exemple du Créateur, de faire de rien quelque chose.

Les chartes communales, par lesquelles les populations essayèrent de mettre quelque ordre dans les exactions seigneuriales, ne furent pour la royauté et la noblesse qu’une sorte d’escompte de leur absolutisme, la renonciation, moyennant argent comptant, à une partie de leurs rapines. Ne perdons pas de vue ce principe que, dans l’esprit du droit divin, le serf, le vilain et le roturier sont toujours le sauvage, que l’intérêt de la civilisation commande de traiter en bête de somme. Lorsque le seigneur se relâche de sa sévérité, c’est de sa part gracieuseté pure, largesse et miséricorde.