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de l’impôt sur le revenu, qui eût été une déclaration de guerre trop directe à la classe aisée, alors réactionnaire, et à ses priviléges. Il eût voulu bien moins encore, et pour les mêmes raisons, de l’impôt progressif. Avec une démagogie ardente, l’impôt progressif pouvait arriver du premier pas à l’exhaustion totale de la rente. M. de Girardin prit donc un moyen terme : à son projet d’impôt sur le capital il joignit, selon les habitudes de son esprit simplificateur ou plutôt complicateur, une foule d’accessoires qui en faisaient une machine fiscale, policière, économique, vraiment ingénieuse. Nul doute que dans ce dédale M. de Girardin, capitaliste lui-même, n’eût su fort bien retrouver son compte. L’habileté du spéculateur faisant illusion au publiciste, son système d’impôt sur le capital lui parut d’une vérité, d’une certitude incomparable. Le congrès tenu à Lausanne, et dont l’idée de M. de Girardin a fait en grande partie les frais, a pu juger par lui-même combien grande était la foi de l’auteur en son idée. Appliqué comme le demandait M. de Girardin, l’impôt sur le capital eût déterminé une crise profonde, universelle, et, j’aime à le croire, salutaire. La société gravitant vers un nouveau césarisme, tout ce qui pouvait changer l’axe de rotation et de révolution devenait un moyen de délivrance. Il y aurait eu des ruines, d’innombrables déplacements de fortunes, des catastrophes industrielles, financières et commerciales ; qu’est-ce que cela, auprès du déficit continu, de la stagnation permanente, de l’angoisse sans fin, de la suspension des libertés ?