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patriciat romain s’en partage les terres : la conquête a pour conséquence l’expropriation. Partout, à la suite des armées, s’abattent des proconsuls, des procurateurs, des exacteurs, avec mission de tirer du pays tout ce qu’il peut rendre. Ce qui reste au domaine, ager publicus, est cultivé au profit du gouvernement par les anciens propriétaires réduits en esclavage. Les municipes, constitutions des aristocraties locales, ne font qu’aggraver la misère des masses. Le plaidoyer de Cicéron contre Verrès nous révèle une série de brigandages qui étaient la règle, non l’exception. Encore le principal grief de l’orateur contre l’accusé est-il tiré, non de l’énormité de ses exactions, mais de ce qu’il les a fait peser sur des citoyens romains. Le citoyen romain était de droit exempt d’impôt : cette simple observation en dit assez. — Triste retour des choses d’ici-bas ! Le tribut, par sa nature, par son principe, par son objet qui n’était autre que le développement de la civilisation, avait été dirigé par les fils aînés de cette civilisation contre les classes inférieures et contre les races barbares ; et voici que les barbares du Capitole s’affirmaient à leur tour, contre les Grecs et les Orientaux leurs maîtres, comme bénéficiaires du droit divin, comme civilisateurs !

Rien ne se dissipe plus vite que la richesse mal acquise. Ce qui vient de la flûte s’en va au tambour : ce proverbe est aussi vrai des nations que des individus. Sans doute quand les tributs étaient épuisés, quand les villes tributaires se révoltaient, citoyens grecs et citoyens romains étaient bien forcés de se cotiser et de