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ciens et des savants, qu’il se trouve précisément à rebours de ce qu’il doit être, dirigé contre le pauvre au lieu de l’être contre le riche.

Phénomène étrange, incompréhensible au premier coup d’œil, de voir en tout état les citoyens contribuer aux charges publiques en raison directe de leur pauvreté et inverse de leur fortune, tandis que le bon sens, la volonté du peuple et du prince, le vœu des agents fiscaux, le désir même, oui, le désir des propriétaires, des capitalistes, de tous les apanagés de la richesse, est que chaque citoyen paye en raison directe de sa fortune et inverse de sa pauvreté.

Ce phénomène, les premiers économistes l’avaient confusément aperçu ; mais ils ne l’avaient point décrit avec précision, bien moins encore l’avaient-ils analysé dans ses causes et dans sa portée. « L’impôt proportionnel, » dit J.-B. Say, « n’est pas équitable. »

Pourquoi ? comment ?… Voilà ce que J.-B. Say n’eût su expliquer. Adam Smith avait dit avant lui : « Il n’est point déraisonnable que le riche contribue aux dépenses publiques, non-seulement à proportion de son revenu, mais pour quelque chose de plus. » On voit sur quelle pente sont entraînés les économistes, sollicités par le besoin de justice et par l’impuissance où ils se voient d’y satisfaire à l’aide de la proportionnalité. J.-B. Say franchit le pas ; il dit : « L’impôt ne peut jamais être levé sur le nécessaire… » Et qu’est que le nécessaire, savant homme ? En quoi le distinguez-vous du superflu ? Qu’appelez-vous luxe, et qu’ap-