Page:Proudhon - Théorie de l impôt, Dentu, 1861.djvu/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gales. Mais quelle que soit cette inégalité des fortunes particulières, elle n’empêche pas que le produit collectif de la nation ne soit d’une année à l’autre sensiblement le même, c’est-à-dire, égal à peu près aux besoins de la consommation générale qui, en somme et pour une population donnée, varie aussi peu que la quantité de chaleur et d’humidité de l’atmosphère.

Supposons donc que le produit brut de la France donne en moyenne pour chaque famille, composée de quatre personnes, une valeur de 1,000 fr. C’est un peu plus que le chiffre de M. Michel Chevalier, qui n’a trouvé que 63 cent. par jour et par tête, soit 919 fr. 80 cent. par ménage. L’impôt étant de plus d’un milliard, soit environ le 1/8 du produit total (il a été prévu pour 1862 à près de deux milliards, soit 1/4 du même produit), chaque famille obtenant sur la totalité du produit national une part de 1,000 fr., serait imposée, de par la loi de proportionnalité, de 125 fr.

Les fortunes étant inégales, les citoyens seraient donc taxés au prorata de leur revenu : un revenu de 2,000 fr. payerait 250 fr., un revenu de 3,000 fr. 375 fr., un revenu de 4,000 fr. 500 fr., etc. La proportion est irréprochable : le fisc est sûr de par l’arithmétique de ne rien perdre.

Mais, du côté des contribuables, l’affaire change totalement d’aspect. L’impôt, qui, dans la pensée du législateur, devrait se proportionner à la fortune, va se retourner contre la pauvreté, en sorte que plus le citoyen sera maltraité par la fortune, plus il devra payer au gouvernement.