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vous voulez restreindre la jouissance du peuple aux objets qu’il vous plaît de qualifier objets de nécessité ! C’est lorsque, par la communauté du luxe, les rangs se rapprochent et se confondent, que vous creusez plus profondément la ligne de démarcation et que vous rehaussez vos gradins ! L’ouvrier sue, et se pressure, pour acheter une parure à sa fiancée, un collier à sa petite fille, une montre à son fils ; et vous lui interdisez ce bonheur, à moins toutefois qu’il ne consente à payer votre impôt, c’est-à-dire votre amende.

« Mais avez-vous réfléchi que taxer les objets de luxe, c’est interdire les arts de luxe ? Trouvez-vous que les ouvriers en soie, dont le salaire en moyenne n’atteint pas 2 fr., les modistes, dont la journée est de 50 centimes, les bijoutiers, orfèvres, horlogers, avec leurs interminables chômages, trouvez-vous qu’ils gagnent trop ? Êtes-vous sûr que l’impôt de luxe ne retombera pas sur l’ouvrier de luxe, comme l’impôt des boissons, après avoir découragé le consommateur de boissons, rejaillit sur le producteur ? Soyez donc d’accord avec vous-mêmes et logiques jusqu’au bout : au lieu de ces expositions de l’industrie et des arts, supprimez la peinture, la gravure, la statuaire, la musique, la céramique, les manufactures de pianos et d’instruments ; car tout cela est du luxe au plus haut degré… Que savez-vous même si, en faisant la cherté sur les objets de luxe, en ramenant le peuple au dénûment de l’esclave, vous ne le dégoûterez pas du travail, et, par une conséquence évidente, si vous ne produirez pas indirectement la hausse sur les objets