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lettres. Dans les pays essentiellement agricoles, les imposables, habitués aux rudes travaux des champs, peuvent fournir, en charroi et main-d’œuvre, leur contingent. Mais aujourd’hui que l’industrie a pénétré un peu partout, il n’est pas possible d’attendre d’un ouvrier de manufacture, d’un fileur, d’un horloger, un produit valable. Comme il n’y a point d’autre élément de taxation que le nombre des journées à fournir, les charges, égales en principe, deviendraient fort inégales quant aux résultats : ce serait une déperdition de forces nuisible au corvéable et sans grand profit pour la communauté. L’ouvrier de fabrique, direz-vous, pourra se libérer en payant, en argent, l’équivalent de la prestation demandée. Sans doute, mais alors vous renoncez, pour une partie de la population, à exiger l’impôt ; vous compromettez votre économie fiscale, en supprimant pour les uns un mode de contribution que vous conservez pour les autres, ce qui introduit une inégalité réelle, l’acquittement d’une dette quelconque, et par conséquent de l’impôt, étant par tout pays moins onéreux au débiteur, s’il le fait en produits de son industrie ou louage d’ouvrage, que s’il est obligé de s’acquitter en numéraire.

Aussi le régime des prestations en nature, malgré ses glorieux précédents, nous semble-t-il repoussé par le mouvement économique et destiné à disparaître. Là où la population agricole ne forme plus que deux tiers ou moitié de la population totale, où les chemins vicinaux deviennent, comme les grandes routes, par