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aux économistes, dans ces derniers temps, de reconnaître à l’état en matière de crédit, après la lui avoir refusée en matière d’industrie, il suffisait d’invoquer des antécédents, la partie serait trop belle contre nos adversaires, à qui nous n’aurions plus qu’à opposer, en place d’arguments, ce qui peut les toucher davantage, l’expérience.

Il est prouvé, leur dirions-nous, par l’expérience, que l’état n’a ni propriété, ni capitaux, rien en un mot sur quoi il puisse fonder ses lettres de crédit. Tout ce qu’il possède, en valeurs mobilières et immobilières, est depuis longtemps engagé ; les dettes qu’il a contractées en sus de son actif, et dont la nation paye pour lui l’intérêt, dépassent en France quatre milliards. Si donc l’état se fait organisateur du crédit, entrepreneur de banque, ce ne peut être avec ses propres ressources, mais bien avec la fortune des administrés ; d’où il faut conclure que, dans le système d’organisation du crédit par l’état, en vertu d’une certaine solidarité fictive ou tacite, ce qui appartient aux citoyens appartient à l’état, mais non pas réciproquement, et que le gouverneur de Louis XV avait raison de dire à ce prince, en lui montrant son royaume : Tout cela, sire, est à vous.

Ce principe du domaine éminent de l’état sur les biens des citoyens est le vrai fondement du crédit public : pourquoi la charte n’en parle-t-elle pas ? pourquoi la législation, le langage, les habitudes, y sont-ils plutôt contraires ? pourquoi garantir aux citoyens leurs propriétés en dehors de toute suzeraineté de l’état, lorsqu’on cherche à introduire subrepticement cette théorie de la solidarité de la fortune publique et des fortunes particulières ? Et si cette solidarité n’existe pas, ne peut pas, dans le système de la prépondérance et l’initiative du pouvoir, exister ; si ce n’est qu’une fiction, enfin, que devient la garantie de l’état ? et qu’est-ce que le crédit donné par l’état ?

Ces considérations, d’une simplicité presque triviale, et d’une réalité inattaquable, dominent toute la question du crédit. On ne sera pas surpris que j’y revienne de temps à autre avec une nouvelle insistance.

Non-seulement la propriété est nulle dans l’état ; chez lui la production n’existe pas davantage. L’état, c’est la caste des improductifs ; par lui, aucune industrie n’est exercée, dont les bénéfices prévus puissent donner valeur et sûreté à ses billets. Il est désormais universellement reconnu que tout ce que produit l’état, soit en travaux d’utilité publique,