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du débouché, est donc contradictoire. A présent, considérons-la sous un autre point de vue.

Le crédit est la canonisation de l’argent, la déclaration de sa royauté sur tous les produits quelconques. Par conséquent, le crédit est le démenti le plus formel du système antiprohibitionniste, la justification flagrante, de la part des économistes, de la balance du commerce. Que les économistes apprennent donc une fois à généraliser leurs idées, et qu’ils nous disent comment, s’il est indifférent pour une nation de payer les marchandises qu’elle achète avec de l’argent ou avec ses propres produits, elle ait jamais besoin d’argent ? comment il se peut qu’une nation qui travaille s’épuise ? comment il y a toujours demande de sa part du seul produit qu’elle ne se consomme pas, c’est-à-dire d’argent ? comment toutes les subtilités imaginées jusqu’à ce jour pour suppléer au défaut d’argent, telles que papier de commerce, papier de banque, papier-monnaie, ne font que traduire et rendre plus sensible ce besoin ? En vérité, le fanatisme antiprohibitif par lequel se signale aujourd’hui la secte économiste ne se comprend plus, à côté des efforts extraordinaires auxquels elle se livre pour propager le commerce de l’argent et multiplier les institutions de crédit.

Qu’est-ce, encore une fois, que le crédit ? — C’est, répond la théorie, un dégagement de valeur engagée, qui permet de rendre cette même valeur circulable, d’inerte qu’elle était auparavant. Parlons un langage plus simple : le crédit est l’avance que fait un capitaliste, contre un dépôt de valeurs de difficile échange, de la marchandise la plus susceptible de s’échanger, par conséquent la plus précieuse de toutes, l’argent ; de l’argent qui, selon M. Cieszkovski, tient en suspens toutes les valeurs échangeables, et sans lequel elles seraient elles-mêmes frappées de l’interdiction ; de l’argent qui mesure, domine et subalternise tous les autres produits ; de l’argent avec lequel seul on éteint ses dettes et l’on se libère de ses obligations ; de l’argent, qui assure aux nations comme aux particuliers le bien-être et l’indépendance ; de l’argent, enfin, qui non-seulement est le pouvoir, mais la liberté, l’égalité, la propriété, tout.

Voilà ce que le genre humain, d’un consentement unanime, a compris ; ce que les économistes savent mieux que personne, mais qu’ils ne cessent de combattre avec un acharnement risible, pour soutenir je ne sais quelle fantaisie de libéralisme en contradiction avec leurs principes les plus