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Et il ne servirait à rien de dire que le crédit a pour but de favoriser la production plutôt que la consommation ; car on ne ferait par là que reculer la difficulté. En effet, si l’on remonte au delà de la sixième station économique, le débouché, on rencontre successivement toutes les autres catégories dont l’ensemble exprime la production, savoir : la police, le monopole, la concurrence, etc. Si bien qu’en définitive, au lieu de dire simplement que le crédit anticipe sur le débouché et sur tout ce qui est la conséquence du débouché, on devra dire encore que le crédit suppose chez le crédité une puissance telle, que, par le monopole, la concurrence, les capitaux, les machines, la division du travail, l’importance des valeurs, il doit l’emporter sur ses rivaux : ce qui, loin d’affaiblir l’argument, le fortifie.

Comment donc, observerai-je aux organisateurs du crédit, sans une connaissance exacte des besoins de la consommation, et partant de la proportion à donner aux produits consommables ; comment, sans une règle des salaires, sans une méthode de comparaison des valeurs, sans une délimitation des droits du capital, sans une police du marché, toutes choses qui répugnent à vos théories, pouvez-vous songer sérieusement à organiser le crédit, c’est-à-dire le débouché, la vente, la répartition, en un mot, le bien-être ? Si vous parliez d’organiser une loterie, à la bonne heure : mais organiser le crédit, vous qui n’acceptez aucune des conditions qui peuvent justifier le crédit ! Je vous en défie.

Et si, pour défendre ou pallier une contradiction, vous prétendez que toutes ces questions sont résolues ; si, dis-je, le débouché est partout largement ouvert au producteur ; si le placement de la marchandise est assuré ; si le bénéfice est certain ; si le salaire et la valeur, ces choses si mobiles, sont disciplinées, il s’ensuit que la réciprocité, la solidarité, l’association enfin existent entre les producteurs ; dans ce cas, le crédit n’est plus qu’une formule inutile, un mot vide de sens. Si le travail est organisé, car tout ce que je viens de dire constitue l’organisation du travail, le crédit n’est plus autre chose que la circulation elle-même, embrassant depuis la première ébauche donnée à la matière, jusqu’à la destruction du produit par le consommateur ; la circulation, dis-je, marchant, sous l’inspiration d’une pensée commune, à la mesure normale de la valeur, et dégagée de toutes ses entraves.

La théorie du crédit, comme supplément ou anticipation