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et non par une éjaculation indéfinie, qu’elle doit en trouver l’équilibre.

Tout le monde aujourd’hui réclame pour le travail des institutions de crédit. C’est la thèse favorite de MM. Blanqui, Wolovski, Chevalier, chefs de l’enseignement économique ; c’est l’opinion de M. de Lamartine, d’une foule de conservateurs et de démocrates, de presque tous ceux qui, répudiant le socialisme, et avec lui la chimère d’organisation du travail, se prononcent cependant pour le progrès. Du crédit ! du crédit ! s’écrient ces réformateurs aux vastes pensées, à la longue vue : le crédit est tout ce dont nous avons besoin. Quant au travail, il en est de lui comme de la population : l’un et l’autre sont suffisamment organisés ; la production, quelle qu’elle soit, ne manquera pas. Et le gouvernement, étourdi de ces clameurs, s’est mis en devoir, de sa lente et stupide allure, de jeter les fondements de la plus formidable machine à crédit qui fut jamais, en nommant sa commission pour la réforme de la loi des hypothèques.

C’est donc toujours le même refrain : De l’argent ! de l’argent ! c’est de l’argent qu’il faut au travailleur. Sans argent le travailleur est au désespoir, comme le père de sept enfants sans pain.

Mais si le travail est organisé, comment a-t-il besoin de crédit ? Et si c’est le crédit lui-même qui fait défaut à l’organisation, comme le prétendent les admirateurs du crédit, comment peut-on dire que l’organisation du travail est complète ?

Car enfin, de même que dans notre système de monopole jaloux, de production insolidaire et de commerce aléatoire, c’est l’argent, l’argent seul qui sert de véhicule au consommateur pour aller d’un produit à l’autre ; de même le crédit, appliquant en grand cette propriété de l’argent, sert au producteur à réaliser ses produits, en attendant qu’il les vende. L’argent est la réalisation effective du débouché de la vente, de la richesse, du bien-être ; le crédit en est la réalisation anticipée. Mais comme, dans l’un et l’autre cas, c’est toujours le débouché qui est chef de file ; comme c’est par lui qu’il faut passer d’abord si l’on veut aller de la production à la consommation, il s’ensuit que l’organisation du crédit équivaut à une organisation du débouché à l’intérieur, et que par conséquent, dans l’ordre du développement économique, il suit immédiatement la théorie du libre commerce, ou du débouché au dehors.