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Or, il est clair qu’autant l’objet ultérieur du crédit présente une idée logique, lumineuse et féconde, conforme, en un mot, à la loi d’organisation progressive ; autant son but immédiat, seul cherché, seul voulu, est plein d’illusions, et par sa tendance au statu quo, de périls. Car l’argent, aussi bien que les autres marchandises, étant soumis à la loi de proportionnalité, si sa masse augmente et qu’en même temps les autres produits ne s’accroissent pas en proportion, l’argent perdra de sa valeur, et rien, en dernière analyse, n’aura été ajouté à la richesse sociale ; — si, au contraire, avec le numéraire la production s’accroît partout, la population suivant du même pas, rien n’est encore changé à la situation respective des producteurs ; et, dans les deux cas, la solution demandée n’avance pas d’une syllabe. A priori donc, il n’est pas vrai que l’organisation du crédit, dans les termes sous lesquels on la propose, contienne la solution du problème social.

Après avoir raconté la filiation et la raison d’existence du crédit, nous avons à rendre compte de son apparition, c’est-à-dire du rang qui doit lui être assigné dans les catégories de la science. C’est ici surtout que nous aurons à signaler le peu de profondeur et l’incohérence de l’économie politique.

Le crédit est tout à la fois la conséquence et la contradiction de la théorie des débouchés, dont le dernier mot, comme on a vu, est la liberté absolue du commerce.

Je dis d’abord que le crédit est la conséquence de la théorie des débouchés, et, comme tel, déjà contradictoire.

Au point où nous sommes arrivés de cette histoire à la fois fantastique et réelle de la société, nous avons vu tous les procédés d’organisation et les moyens d’équilibre tomber les uns sur les autres, et reproduire sans cesse, plus impérieuse et plus meurtrière qu’auparavant, l’antinomie de la valeur. Parvenu à la sixième phase de son évolution, le génie social, obéissant au mouvement d’expansion qui le pousse, cherche au dehors, dans le commerce extérieur, le débouché, c’est-à-dire le contrepoids qui lui manque. A présent nous allons le voir, déçu dans son espérance, chercher ce contrepoids, ce débouché, cette garantie de l’échange qu’à tout prix il lui faut, dans le commerce intérieur, au dedans. Par le crédit, la société se replie en quelque sorte sur elle-même ; elle semble avoir compris que production et consommation étant pour elle choses adéquates et identiques, c’est en elle-même,