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CHAPITRE X.


SEPTIÈME ÉPOQUE. — LE CRÉDIT.
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Il a été donné à un homme, notre contemporain, d’exprimer tour à tour les idées les plus opposées, les tendances les plus disparates, sans que personne osât jamais suspecter son intelligence et sa probité, sans même que l’on répondît à ses contradictions autrement qu’en les lui reprochant, ce qui n’était pas du tout répondre : cet homme est M. de Lamartine.

Chrétien et philosophe, monarchique et démocrate, grand seigneur et peuple, conservateur et révolutionnaire, apôtre des pressentiments et des regrets, M. de Lamartine est l’expression vivante du dix-neuvième siècle, la personnification de cette société, suspendue entre tous les extrêmes. Une seule chose lui manque, facile à acquérir : c’est la connscience de ses contradictions. Si son étoile ne l’eût destiné à représenter tous les antagonismes, et sans doute encore à devenir l’apôtre de la réconciliation universelle, M. de Lamartine serait resté ce que d’abord il nous est apparu avec tant d’éclat, le poëte des traditions pieuses et des nobles souvenirs. Mais M. de Lamartine doit à sa patrie l’explication de ce vaste système d’antinomies dont il est à la fois l’accusateur et l’organe : M. de Lamartine, par la position qu’il a prise, est condamné, et il ne saurait appeler de ce jugement dont la source vient de plus haut que les opinions contraires qu’il représente, M. de Lamartine est condamné, dis-je, à mourir sous le fardeau de ses inconséquences, ou à concilier toutes ses hypothèses. Puisse-t-il enfin, comme l’épouse du cantique, sortir de cette ignorance de lui-même qui ne sied plus à la maturité de son génie ; puisse-t-il concevoir toute la grandeur de son rôle, et accueillir les vœux de ceux-là seuls qui peuvent applaudir à ses écarts, parce que seuls ils en