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tions d’évidence ; elle embrasse et résout, dans une idée supérieure, les idées contraires de liberté et de protection ; elle jouit de propriétés étrangères à celle-ci, et ne présente aucun de leurs inconvénients. Sans doute la méthode actuellement en usage pour appliquer cette synthèse est défectueuse, et se sent de son origine barbare et fiscale ; le principe reste vrai, et c’est conspirer contre son pays que de le méconnaître.

Élevons-nous maintenant à des considérations plus hautes.

On serait dans une illusion étrange, si l’on s’imaginait que les idées en elles-mêmes se composent et se décomposent, se généralisent et se simplifient, comme il nous semble le voir dans les procédés dialectiques. Dans la raison absolue, toutes ces idées que nous classons et différencions au gré de notre faculté de comparer, et pour les besoins de notre entendement, sont également simples et générales ; elles sont égales, si j’ose ainsi dire, en dignité et en puissance ; elles pourraient toutes être prises par le moi suprême (si le moi suprême raisonne ?) pour prémisses ou conséquences, pivots ou rayons de ses raisonnements.

En fait, nous ne parvenons à la science que par une sorte d’échafaudage de nos idées. Mais la vérité en soi est indépendante de ces figures dialectiques et affranchie des combinaisons de notre esprit ; de même que les lois du mouvement, de l’attraction, de l’association des atomes, sont indépendantes du système de numération au moyen duquel nos théories les expriment. Il ne s’ensuit pas que notre science soit fausse ou douteuse ; seulement on pourrait dire que la vérité en soi est une infinité de fois plus vraie que notre science, puisqu’elle est vraie sous une infinité de points de vue qui nous échappent, comme, par exemple, les proportions atomiques, qui sont vraies dans tous les systèmes de numération possibles.

Dans les recherches sur la certitude, ce caractère essentiellement subjectif de la connaissance humaine, caractère qui ne légitime pas le doute, comme le crurent les sophistes, est la chose qu’il importe surtout de ne pas perdre de vue, sous peine de s’enchaîner à une espèce de mécanisme qui tôt ou tard, comme une machine dont le jeu ne laisse rien à l’initiative de l’ouvrier, conduisait le penseur à l’abrutissement. Nous nous bornerons pour le moment à constater, par l’exemple de la balance du commerce, le fait de cette subjectivité de notre connaissance : plus tard nous essayerons de