Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

boyards et margraves ; grands propriétaires, grands industriels, gros capitalistes ; fonctionnaires de l’administration, des tribunaux et de l’église, tout ce qui, en un mot, au lieu de faire œuvre, vit de liste civile, de rentes, d’agio, de police et de fanatisme, uni d’un commun intérêt, et bientôt rallié par la tempête révolutionnaire qui déjà gronde à l’horizon, se trouve nécessairement engagé dans cette vaste conjuration du capital contre le travail.

Y avez-vous pensé, prolétaires ?

Ne me demandez pas si telles sont bien véritablement les pensées secrètes des gouvernements et des aristocraties[1] : cela ressort de la situation, cela est fatal. La douane, considérée seulement par les économistes comme une protection accordée aux monopoles nationaux, nullement comme l’expression encore imparfaite d’une loi d’équilibre, la douane désormais, ne suffit plus pour contenir le monde ; il faut au monopole une protection plus large ; son intérêt partout identique le demande, et provoque sur tous les tons la destruction des barrières. lorsque par la réforme de Robert Peel, par l’extension incessante du Zollverein, par l’union douanière, seulement ajournée, entre la Belgique et la France, les cercles de douane auront été réduits à deux ou trois grandes circonscriptions, le besoin ne tardera pas à se faire sentir d’une liberté totale, d’une plus intime coalition. Ce n’est pas trop pour contenir les classes travailleuses, malgré leur ignorance, malgré le délaissement et la dissémination où elles sont retenues, que toutes les polices, toutes les bourgeoisies, toutes les dynasties de la terre se donnent la main. Enfin la complicité de la classe moyenne, dispersée selon le principe hiérarchique, en une multitude d’emplois et de privilèges ; l’embauchement des ouvriers les plus intelligents, devenus conducteurs, contre-maîtres, commis et surveillants pour le compte de la coalition ; la défection de la presse, l’influence des sacristies, la menace des tribunaux et des baïonnettes ; d’un côté la richesse et le pouvoir, de l’autre la division et la misère : tant de causes réunies ren-

  1. Les paroles du ministère à la Chambre des Députés, relativement au traité belge, prouvent que telle n'est pas encore, chez nous, la pensée du Système. M. Gunin-Gridaine, ministre du commerce. en résistant à l'entraînement abolitionniste, accueilli d’abord avec faveur par toute la presse d'opposition et par une partie de la presse ministérielle, a rendu un à la France un grand service que l’on devra peut-être au ministère du 29 octobre. Puisse la France, profitant du répit que lui procure cet honorable négociant, s'éclairer enfin sur les véritables principes de la liberté et de l’égalité entre les peuples !