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dans la prépondérance de la monnaie sur les autres marchandises, avait été aperçue des anciens : l’histoire n’est pleine que des révolutions et des catastrophes qu’elle a produites.

D’où est venue dans les temps modernes et au moyen âge, la fortune des Hollandais, la prospérité des villes hanséatiques et lombardes, de Florence, de Gênes et de Venise, si ce n’est des différences énormes réalisées à leur profit par le commerce qu’ils entretenaient sur tous les points du monde ? La loi d’équilibre leur était connue : l’objet constant de leur sollicitude, le but de leur industrie et de leurs efforts, fut toujours de la violer. Est-ce que toutes ces républiques, par leurs relations avec des peuples qui n’avaient à leur donner, en échange de leurs étoffes et de leurs épices, que de l’argent et de l’or, ne se sont pas enrichies ? Est-ce que du même coup les nations qui formaient leur clientèle n’ont pas été ruinées ? N’est-ce point à dater de cette époque que la noblesse de race est tombée dans l’indigence, et que la féodalité a pris fin ?…

Remontons le cours des âges : qui fonda l’opulence de Carthage et de Tyr, si ce n’est le commerce, le commerce, c’est-à-dire ce système de factorerie et d’échanges dont les comptes se balançaient toujours, en faveur de ces spéculateurs détestés, par une masse métallique enlevée à l’ignorance et à la crédulité des barbares ? Un moment l’aristocratie mercantile, développée sur tout le littoral méditerranéen, fut à la veille de saisir l’empire du monde ; et ce moment, le plus solennel de l’histoire, est le point de départ de cette longue rétrogradation qui, commençant à Scipion, ne finit qu’à Luther et Léon X. Les temps n’étaient pas venus ; la noblesse de race, la féodalité terrienne, représentée alors par les Romains, devait gagner la première bataille sur l’industrie, et ne recevoir le coup de mort qu’à la révolution française.

A présent c’est le tour des praticiens de la finance. Comme s’ils avaient déjà le pressentiment de leur prochaine déroute, ils ne sont occupés qu’à se reconnaître, à se coaliser, se classer et s’échelonner selon leurs qualités et leur poids ; à fixer leurs parts respectives dans la dépouille du travailleur, et à cimenter une paix dont l’unique objet est la soumission définitive du prolétariat. Dans cette sainte-alliance, les gouvernements, devenus solidaires les uns des autres, et liés d’une amitié indissoluble, ne sont plus que les satellites du monopole : rois absolus et constitutionnels, princes, ducs,