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tures refoulées dès la mamelle dans le néant, tant de filles et de femmes prostituées, tant d’âmes vendues, tant de caractères flétris ! Encore si les économistes savaient une issue à ce labyrinthe, une fin à cette torture ! Mais non : toujours ! jamais ! comme l’horloge des damnés, c’est le refrain de l’Apocalypse économique. Oh ! si les damnés pouvaient brûler l’enfer !…


§ III. — Théorie de la balance du commerce.


La question de la liberté commerciale a acquis de nos jours une telle importance, qu’après avoir exposé la double série de conséquences qui en résultent, pour le bien et pour le mal de l’humanité, je ne puis me dispenser de faire connaître la solution. En complétant ainsi ma démonstration, j’aurai, je l’espère, rendu inutile, aux yeux du lecteur non compromis, toute discussion ultérieure.

Les anciens connaissaient les vrais principes du libre commerce. Mais, aussi peu curieux de théories que les modernes s’en montrent vains, ils n’ont point, que je sache, résumé leurs idées à cet égard ; et il a suffi que les économistes vinssent s’emparer de la question, pour qu’aussitôt la vérité traditionnelle fût obscurcie. Il sera piquant de voir la balance du commerce, après un siècle d’anathèmes, démontrée et défendue au nom de la liberté et de l’égalité, au nom de l’histoire et du droit des gens, par un de ceux à qui les apologistes quand même de tous les faits accomplis décernent si libéralement la qualification d’utopistes. Cette démonstration, que j’aurai soin de rendre aussi courte que possible, sera le dernier argument que je soumettrai aux méditations aussi bien qu’à la conscience de mes adversaires.

Le principe de la balance du commerce résulte synthétiquement : 1° de la formule de Say : Les produits ne s’achètent qu’avec des produits, formule dont M. Bastiat a fait ce commentaire, dont le premier honneur revient du reste à Adam Smith : La rémunération ne se proportionne pas aux utilités que le producteur porte sur le marché, mais au travail incorporé dans ces utilités ; — 2° de la théorie de la rente de Ricardo.

Le lecteur est suffisamment édifié sur le premier point ; je passe donc au second.

On sait comment Ricardo expliquait l’origine de la rente.

Bien que sa théorie laisse à désirer sous le rapport philo-