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profitent du monopole, c’est le propriétaire qui lève l’impôt sur la faim. Le jour où il abolira le droit sur les blés, le parlement décrétera une réduction proportionnelle dans le prix des baux… D’un autre côté, la mécanique est sur le point de faire des progrès plus merveilleux que ceux dont nous sommes témoins : avant peu, le travail des champs sera accompli par des moteurs inanimés ; dans tous les cas, la réduction du prix des denrées permettra d’abaisser aussi les salaires, et tous les produits reviendront aux fermiers… » (Revue indépendante, 25 janvier 1846, article de M. Vidal.)

Mais que font les discours, et qu’importent les paroles ? Ce sont les faits qu’il faut juger, potius quod gestum, quàm quod scriptum. Le peuple anglais s’est mis sur le pied de vivre, non plus des produits naturels de son territoire, augmentés d’une quantité proportionnelle de produits manufacturés, plus d’une nouvelle proportion de produits fournis par le dehors en échange des siens ; mais de l’exploitation du monde entier par la vente exclusive de ses quincailleries et de ses tissus, sans autre retour que l’argent de sa clientèle. C’est cette exploitation anormale qui a perdu l’Angleterre, en développant chez elle outre mesure le capitalisme et le salariat ; et tel est le mal qu’elle s’efforce d’inoculer au monde, en déposant le bouclier de ses tarifs, après avoir revêtu la cuirasse de ses impénétrables capitaux. |

« L’année dernière (1844), disait dans un banquet un ouvrier anglais, cité par M. Léon Faucher, nous avons exporté des fils et des tissus pour une valeur de 630 millions de fr. : voilà quelle est la source principale de notre prospérité. Mais lorsque les marchés étrangers se ferment pour nous, alors vient la baisse des salaires… Parmi les fileurs, cinq travaillent pour l’étranger, contre un qui travaille pour l’intérieur ; et les tisserands fabriquent une seule pièce pour l’intérieur, contre six destinées aux marchés du dehors. »

Voilà, formulée dans un exemple, l’économie de la Grande-Bretagne. Supposez sa population de 22 millions d’habitants, il lui faut 132 millions d’étrangers pour occuper ses tisserands, 110 millions pour donner du travail à ses fileurs, et ainsi à proportion pour toutes les industries anglaises. Ce n’est plus de l’échange, c’est tout à la fois l’extrême servitude et l'extrême despotisme. Toutes les harangues des ligueurs viennent se briser contre cette violation flagrante de la loi de proportionnalité, loi qui est aussi vraie de la totalité