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d’exclusion, ou, pour mieux dire, de coercition au travail ne réussit pas, j’en tombe d’accord ; j’avoue même qu’il était impossible qu’il réussît : mais je soutiens qu’il était impossible d’en employer un autre ; j’en appelle à toute la sagacité inventive de M. Blanqui.

Deux choses manquèrent aux rois d’Espagne : le secret de faire travailler une nation chargée d’or, secret plus introuvable peut-être que celui de faire de l’or, et l’esprit de tolérance religieuse, dans un pays où la religion primait tout. L’opulente et catholique Espagne était condamnée d’avance par sa religion et par son culte. Les barrières qu’avaient élevées Charles-Quint et Philippe II, renversées par la lâcheté des sujets, n’opposèrent qu’une faible résistance à l’invasion étrangère, et en moins de deux siècles un peuple de héros se trouva changé en un peuple de Lazarilles.

M. Blanqui dira-t-il que l’Espagne s’appauvrit, non pas par ses échanges, mais par son inaction ; non pas à cause de la suppression des barrières, mais malgré l’élévation des barrières ? M. Blanqui, dont l’éloquence si brillante et si vive sait donner du relief à des riens, est capable de faire cette objection ; il est de mon devoir de le prévenir.

On convient que consommer sans produire, c’est, à proprement parler, détruire ; conséquemment, que dépenser son argent d’une manière improductive, c’est détruire ; qu’emprunter à cette fin sur son patrimoine, c’est détruire ; que travailler à perte, c’est détruire ; que vendre à perte, c’est détruire. Mais acheter plus de marchandises qu’on n’en peut rendre, c’est encore travailler à perte, c’est manger son patrimoine, c’est détruire sa fortune : qu’importe que cette fortune s’en aille en contrebande, ou par contrat authentique ? qu’importent la douane et les barrières ? La question est de savoir si en livrant une marchandise avec laquelle on est maître du monde, et qu’on ne peut faire revenir que par le travail et l’échange, on aliène sa liberté. J’ai donc le droit d’assimiler ce que fit l’Espagne sous Charles-Quint et Philippe II, lorsqu'elle se bornait à donner son or en échange des produits étrangers, avec ce que nous faisons nous-mêmes, lorsque nous échangeons 200 millions de produits étrangers contre 160 millions de nos produits, plus 40 millions de notre argent.

Quand les économistes se voient trop pressés sur les principes, ils se rejettent sur les détails, ils équivoquent sur l’intérêt du consommateur et la liberté individuelle, ils nous