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auront été, comme un réseau, jetées sur le monde et tous les peuples groupés sous un patronage unitaire, osera-t-on dire que le problème de l’association industrielle est résolu, et la loi de l’équilibre social trouvée ?…

Quelques observations encore, et je termine ce paragraphe déjà trop long.

Le plus populaire de tous nos économistes, mais en même temps le promoteur le plus ardent de la liberté absolue des échanges, M. Blanqui, dans son Histoire de l’économie politique, a voué à l’exécration de la postérité les rois d’Espagne Charles-Quint et Philippe II, pour avoir les premiers adopté comme règle de politique le système de la balance du commerce et son indispensable auxiliaire, la douane. Certes, si pour ce méfait Charles-Quint et Philippe II furent pires que Tibère et Domitien, il faut avouer pourtant qu’ils eurent toute l’Espagne, toute l’Europe pour complices ; circonstance qui, aux yeux de la postérité, doit atténuer leur crime. Ces souverains, représentants de leur siècle, eurent-ils donc si grand tort dans leur système de nationalité exclusive ? M. Blanqui va nous répondre.

Il consacre un chapitre spécial à montrer comment l’Espagne, grâce aux richesses immenses que lui avait données la découverte du Nouveau-Monde, s’étant reposée de son ancienne industrie, d’abord par l’expulsion des Maures, puis par celle des Juifs, enfin par sa lasciveté et sa fainéantise, fut en très-peu de temps ruinée, et devint de toutes les nations la plus nécessiteuse. Achetant toujours et ne vendant jamais, elle ne pouvait échapper à sa destinée. M. Blanqui le dit, le prouve ; c’est une des belles partie de son ouvrage. N’est-il pas vrai que si Charles Quint et Philippe II avaient pu, par un moyen quelconque, forcer l’Espagne à travailler, ils eussent été pour elle de vrais dieux tutélaires, des pères de la patrie ? Malheureusement Charles-Quint et Philippe II n’étaient ni socialistes ni économistes ; ils n’avaient point à leur disposition vingt systèmes d’organisation et de réforme, et n’avaient garde de croire que la sortie des capitaux de l’Espagne serait une raison élevée à la quatrième puissance de les y faire revenir. Comme tous les hommes de leur époque, ils sentaient vaguement que la sortie du numéraire équivalait à un écoulement de la richesse nationale ; que si acheter toujours et ne vendre jamais était le moyen le plus expéditif de se ruiner, acheter beaucoup et vendre peu était un agent de ruine moins prompt, mais tout aussi sûr. Leur système