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du produit embrasse ce qu’y a fait la nature et ce qu’y a fait le travail, tandis que la valeur ne correspond qu’à ce qu’y a mis le travail. Donc, B fait un marché tout à son avantage. En acquittant au producteur de A simplement son travail, il reçoit par-dessus le marché plus d’utilités naturelles qu’il n’en donne. »

Oui, encore une fois, vous crierai-je de toute la force de ma voix, c’est le travail qui fait la valeur, non pas, comme vous le disiez tout à l’heure, et comme l’enseignent tous vos confrères qui vous applaudissent sans vous comprendre, l’offre et la demande ; c’est le travail qui doit se payer et s’échanger, non l’utilité gratuite du sol : et vous ne pouviez rien dire qui démontrât mieux votre bonne foi et l’incohérence de vos idées. Dans de telles conditions, la liberté la plus absolue des échanges est toujours avantageuse, et ne peut jamais devenir nuisible. Mais les monopoles, mais les privilèges de l’industrie, mais la prélibation du capitaliste, mais les droits seigneuriaux de la propriété, les avez-vous abolis ? avez-vous seulement un moyen de les abolir ? croyez-vous même à la possibilité, à la nécessité de leur abolition ? Je vous somme de vous expliquer, car il y va du salut et de la liberté des nations ; en pareille matière, l’équivoque devient parricide. Tant que le privilège du territoire national et la propriété individuelle seront par vous sous-entendus, la loi de l’échange dans votre bouche sera un mensonge ; tant qu’il n’y aura pas association et solidarité consentie entre les producteurs de tous les pays, c’est-à-dire communauté des dons de la nature et échange seulement des produits du travail, le commerce extérieur ne fera que reproduire entre les races le phénomène d’asservissement et de dépendance que la division du travail, le salariat, la concurrence et tous les agents économiques opèrent entre les individus ; votre libre commerce sera une duperie, si vous ne préférez que je dise une spoliation exercée de vive force.

La nature, pour amener les peuples favorisés à l’association générale, les a séparés des autres par des barrières naturelles qui mettent une entrave à leurs invasions et à leurs conquêtes. Et vous, sans prendre de garanties, vous levez ces barrières ! vous jugez inutiles les précautions de la nature ! Vous jouez l’indépendance d’un peuple, pour satisfaire l’égoïsme d’un consommateur qui ne veut pas être de son pays ! Au monopole du dedans vous ne savez opposer que le monopole du dehors, toujours le monopole ! tournant ainsi